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Programme d’accès anticipé en France : Quelle est l’ampleur de l’opportunité ?

  • Henri Leleu, MD, PhD

  • Martin Blachier, MD, MPH

Le Programme d’accès précoce (PAE) de la France promet un accès plus rapide des patients à des traitements révolutionnaires, mais est-ce vraiment une opportunité ou un labyrinthe bureaucratique ? Avec des réglementations plus strictes, des exigences en matière de données en constante évolution et des préoccupations de l’industrie concernant le fardeau de la collecte obligatoire de données connexes dans le monde réel, l’avenir de l’accès anticipé est en jeu. Voici ce que vous devez savoir sur l’évolution du paysage du PAE en France. Il s’agit du premier article d’une série de trois dans laquelle nous explorons la structure actuelle du PAE français, examinons comment il pourrait évoluer dans les années à venir et évaluons les changements dans la collecte de données en temps réel dans le cadre d’Accès Précoce (AP).

La France a une longue tradition du Programme d’accès précoce (PAE)

L’accès rapide à des traitements novateurs et efficaces est une pierre angulaire des soins de santé modernes. Cependant, les patients sont souvent confrontés à des délais importants, allant parfois jusqu'à des mois, voire des années, entre l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament et sa disponibilité réelle. Ces retards sont souvent causés par des évaluations séquentielles et compartimentées menées par les organismes de réglementation et les organismes d’évaluation des technologies de la santé (ETS).

Selon l’indicateur W.A.I.T. des patients de l’EFPIA 2024, le délai médian d’accès des patients aux nouveaux médicaments en France est de 549 jours. Pour les personnes atteintes de maladies graves, souvent mortelles, sans alternative thérapeutique, ces temps d’attente prolongés peuvent réduire considérablement leurs chances de survie.
Les PAE offrent un accès beaucoup plus rapide à des traitements novateurs qui sauvent des vies, généralement en moins de 100 jours. En France, le parcours standard d’un nouveau médicament comporte deux étapes clés : premièrement, l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché de l’Agence européenne des médicaments (EMA) ou de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) ; et deuxièmement, obtenir l’approbation des prix et des remboursements de la Haute autorité nationale de la santé (HAS). Les PAE peuvent être accordés avant qu’un médicament n’ait reçu l’autorisation de mise en marché ou avant que les décisions relatives aux prix et au remboursement ne soient finalisées. Ainsi, les PAE peuvent comporter des risques réglementaires et financiers importants. Si les évaluations subséquentes de la HAS ou de l’ANSM ne confirment pas les avantages cliniques prévus, les entreprises peuvent être tenues de rembourser le coût des traitements prescrits pendant la période du PAE. Ce risque est particulièrement prononcé si le prix librement fixé pendant le PAE est jugé par la suite trop élevé par rapport à la valeur évaluée par le SAH. Pour l’ANSM et le HAS, il est essentiel d’éviter les situations où un accès précoce est accordé à des produits qui peuvent s’avérer inefficaces ou dangereux par la suite, ou où un accès temporaire se transforme en couverture pour des médicaments qui ne parviennent finalement pas à démontrer leur valeur.

Le PAE français est souvent reconnu comme l’un des plus ambitieux en Europe pour permettre un accès rapide des patients à l’innovation. En 2021, le programme a fait l’objet d’une réforme majeure, remplaçant le régime d’Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) de longue date , en place depuis 1994, par le cadre actuel d’Accès Précoce (AP). Tout en préservant les principes fondateurs de l’ATU, largement salués par les représentants des patients, des médecins et de l’industrie comme étant « extraordinaires », « particulièrement bien organisés et efficaces », « un mécanisme essentiel », « une occasion incroyable d’accès au traitement », la réforme visait à renforcer la gouvernance, à rationaliser les procédures et à remédier à certaines des limites structurelles de l’ancien système, en particulier en ce qui concerne la collecte de données dans le monde réel. transparence et financement.

Dans cette série approfondie, nous explorerons la structure actuelle du PAE français, examinerons comment il pourrait évoluer dans les années à venir et évaluerons le rôle potentiel du Système national de données de santé (SNDS) dans le soutien à la collecte de données du monde réel dans le cadre de l’AP.


Un système à deux niveaux : Autorisation de mise en marché préalable et post-AMM

Le cadre actuel de l’AP en France est organisé en deux vitesses :

  • Accès pré-AMM (AP1) : Cette voie concerne les médicaments innovants qui n’ont pas encore reçu d’AMM. L’approbation en vertu de l’AP1 exige des données préliminaires solides à l’appui de l’efficacité et de l’innocuité, ainsi qu’un engagement officiel du fabricant à soumettre une demande d’AMM. L’accès en vertu de l’AP1 prend fin une fois que l’AMM est accordé.
  • Accès post-AMM (AP2) : Cela s’applique aux médicaments qui contiennent déjà de l’AMM, mais qui ne sont pas encore remboursés par le système national d’assurance maladie (NHI). AP2 peut être demandé soit dans le prolongement de l’AP1, soit en tant qu’application autonome (de novo ). Afin d’assurer un accès ininterrompu aux patients qui ont commencé le traitement dans le cadre de l’AP1, les fabricants doivent présenter une demande de remboursement dans le mois suivant la réception de l’AMM.

Dans les cas AP1 et AP2, la décision d’accès anticipé est prise par le SAH. Pour AP1, cela fait suite à un avis contraignant de l’ANSM, qui évalue l’efficacité et l’innocuité présumées du médicament. Une fois qu’une demande (AP1 ou AP2) est soumise, l’évaluation qui doit être légalement complétée dans les 90 jours par HAS comprend :

  • Un premier avis scientifique de l’ANSM (pour AP1 seulement) ;
  • Un examen des critères d’admissibilité ;
  • Une évaluation du plan de développement clinique, y compris la conception et la maturité de l’essai ;
  • Une évaluation de la stratégie de données du monde réel, qui doit être décrite dans un protocole d’utilisation temporaire et de recueil de données (PUT-RD).

Dans le cadre de son processus d’examen, la HAS peut inviter des associations de patients, des experts externes et des fabricants à présenter ou à défendre leurs demandes lors d’audiences spéciales.
 

Le HAS exige que quatre conditions principales soient remplies pour être admissible au PAE

Pour qu’un médicament soit admissible à l’AP, le HAS exige que quatre conditions principales soient remplies dans le cadre de l’accès demandé, qui peut être plus étroit que l’AMM éventuel. Dans cette portée définie :

  1. Le traitement doit traiter une maladie grave, rare ou invalidante. Cela comprend les affections caractérisées par une gravité clinique, comme une mortalité ou une morbidité élevées, par une progression chronique ou irréversible, y compris des maladies à évolution lente qui ne mettent pas immédiatement la vie en danger, ou par rareté, définies comme une prévalence inférieure à 5 pour 10 000 personnes.
  2. Il ne doit pas y avoir de solution de rechange thérapeutique appropriée dans l’indication demandée. Pour remplir cette condition, aucun traitement disponible ne devrait : 
    • Détenir un AMM dans la même indication ou, au cas par cas, être utilisé hors indication conformément aux directives françaises ou internationales appuyées par des données adéquates sur l’innocuité et l’efficacité ;
    • Et être accessible et disponible dans toute la France sans pénurie actuelle ou prévisible ;
    • Et être remboursé ou financé par NHI ;
    • Et présenter des données cliniques supérieures à celles du traitement sur demande AP. Si les traitements existants démontrent une équivalence ou une non-infériorité, le nouveau traitement peut tout de même être admissible s'il apporte une valeur ajoutée en simplifiant le parcours de soins, en améliorant la sécurité, en améliorant la qualité de vie (p. ex. passer de la forme injectable à la forme orale), en améliorant l'intention du traitement (p. ex. de palliatif à curatif) ou en offrant une nouvelle forme d'administration adaptée à une population spécifique (p. ex. formulation pédiatrique).
  3. Le traitement ne peut pas être reporté, ce qui signifie que tout retard entraînerait un risque clinique important, entraînerait potentiellement des dommages irréversibles ou entraînerait l’absence d’une fenêtre thérapeutique critique
  4. Le médicament doit être présumé novateur. L’innovation, telle que définie par HAS, comprend des améliorations significatives dans les soins aux patients, telles que l’efficacité, la sécurité, la qualité de vie ou l’organisation du système de santé. Pour AP1, la demande doit être appuyée par des données cliniques prometteuses (résultats intermédiaires ou finaux) ou, si elle est déposée beaucoup avant la date prévue de l’AMM, par des conclusions préliminaires concluantes ; pour AP2, la demande doit présenter des résultats d’efficacité concluants en fonction du paramètre principal soumis pour l’AMM. Le traitement doit être soutenu par un plan de développement clinique rigoureux comprenant des essais cliniques avec une méthodologie appropriée. Les méthodologies jugées inappropriées comprennent les essais de phase I, les essais de non-infériorité, les essais non comparatifs sans justification solide, les essais utilisant des comparateurs non pertinents et les études avec des paramètres primaires mal adaptés.

Certains traitements qui n’étaient pas admissibles en 2024 illustrent les critères d’éligibilité stricts appliqués par les autorités sanitaires françaises. Il s’agit notamment de l’éfanesoctocog alfa pour la prophylaxie de l’hémophilie A sévère, de l’isatuximab en association avec le bortézomib, le lénalidomide et la dexaméthasone pour le myélome multiple non traité auparavant ou du pembrolizumab en association avec la gemcitabine et le cisplatine pour le traitement de première intention des adultes atteints d’un carcinome des voies biliaires localement avancé non résécable ou métastatique, qui ont été refusés en raison de la disponibilité des options de traitement existantes et de la possibilité de retarder le traitement. Il s’agit également du béralizumab  pour la granulomatose à éosinophiles ne répondant pas au mépolizumab, qui a été rejeté car l’ANSM a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de données sur l’efficacité ; ou du lomitapide, en complément d’un régime pauvre en gras et d’autres traitements hypolipémiants dans l’hypercholestérolémie familiale homozygote non contrôlée, qui a été refusée en raison d’un manque d’innovation présumée

Toute approbation du PAE dépend de la mise en œuvre d’un PUT-RD

L’objectif du PUT-RD est de recueillir des données probantes concrètes sur la façon dont le traitement est utilisé en pratique clinique. Bien que ces données ne remplacent pas les essais cliniques, elles sont considérées comme complémentaires, fournissant des informations précieuses sur l’efficacité, l’innocuité et la prestation des soins dans des contextes réels. Pour AP1 (accès pré-AMM), l’ensemble de données attendu comprend les caractéristiques du patient et le contexte du prescripteur, les données sur l’utilisation du traitement (comme la posologie, le schéma et l’observance), les mesures de l’efficacité, y compris les résultats déclarés par le patient (PRO), et les renseignements sur l’innocuité. Ces données peuvent appuyer les décisions sur le renouvellement des AP, éclairer les ETS pour la tarification et le remboursement, et aider à valider les avantages du traitement dans le monde réel. Pour l’AP2 (accès post-AMM), les attentes sont plus faibles ; La collecte de données est généralement axée sur les données démographiques des patients, les paramètres des prescripteurs et les habitudes d’utilisation, en plus des données d’innocuité standard après l’autorisation recueillies par le biais du système de pharmacovigilance de routine.

La HAS encourage la participation des organisations de patients et des sociétés scientifiques pour aider à définir les mesures de résultats pertinentes. Ceux-ci correspondent généralement à ceux sélectionnés dans l’essai pivot. L’utilisation d’un formulaire de rapport de cas électronique (FCR) est fortement recommandée pour réduire le fardeau administratif et améliorer la traçabilité des données. Les fabricants sont responsables d’assurer l’exhaustivité des données, avec un objectif de moins de 10 % de données manquantes, et doivent fournir les ressources appropriées pour aider les prescripteurs à respecter ces obligations. Le non-respect de ces obligations peut compromettre le renouvellement du PAE et influencer négativement le processus décisionnel en matière de tarification et de remboursement, notamment en façonnant la perception du HAS de la valeur du traitement et de l’impact dans le monde réel. Une avenue prometteuse, explorée plus en détail dans la partie 3 de cette série, est le couplage potentiel des données PUT-RD avec le SPDN de la France afin de rationaliser la collecte et d’améliorer la fiabilité.

Un nombre important d’approbations d’accès anticipé ont été accordées entre 2021 et 2024, mais l’année dernière a vu une augmentation notable du nombre de rejets

Entre le deuxième semestre de 2021 et le premier semestre de 2024, un total de 288 décisions de PAE ont été rendues par le SAP, dont 76 pour AP1 (avant l’AMM), 96 pour l’AP2 (après l’AMM) et 116 pour les renouvellements. Parmi les décisions initiales de l’AP1 et de l’AP2, 122 ont reçu des avis favorables tandis que 50 ont été rejetées, ce qui représente un taux de réussite moyen de 70 % sur la période. Cependant, il s’agit d’une baisse par rapport au taux de réussite de 78 % observé entre 2021 et 2023, et de la réussite à seulement 50 % au cours du premier semestre de 2024 seulement. Cette baisse reflète la pression croissante de NHI, qui a critiqué HAS pour avoir approuvé trop de PAE au cours des années précédentes. Sur les 122 décisions favorables, environ la moitié concernaient des produits oncologiques. Parmi les 105 produits qui ont fait l’objet d’une évaluation de remboursement par la suite, 39 % ont reçu un ASMR II ou III, et 40 % ont reçu un ASMR IV, ce qui indique que la majorité a démontré un niveau au moins modéré d’avantages cliniques supplémentaires. Le délai médian d’évaluation des demandes de PAE par le HAS était de 79 jours, et les médicaments sont restés dans le schéma du PAE pendant 407 jours en moyenne.

Dans nos prochains articles, nous examinerons la façon dont le paysage du PAE devrait évoluer au cours des prochaines années et explorerons comment le SPDN pourrait améliorer la production de données probantes du monde réel dans le cadre du PAE.

 

Cet article résume la compréhension du sujet par Cencora sur la base d’informations accessibles au public au moment de la rédaction (voir les sources énumérées) et de l’expertise des auteurs dans ce domaine. Les recommandations formulées dans l’article peuvent ne pas s’appliquer à toutes les situations et ne constituent pas des conseils juridiques. Les lecteurs ne doivent pas se fier à l’article pour prendre des décisions liées aux sujets abordés.

 

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Bibliographie

  • Fédération européenne des produits pharmaceutiques (EFPI). Enquête sur l’indicateur W.A.I.T. 2023 des patients. Juin 2024. https://efpia.eu/media/vtapbere/efpia-patient-wait-indicator-2024.pdf
  • HAS. Autorisation d’accès précoce aux médicaments : doctrine d’évaluation de la HAS. 2022. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3274435/fr/autorisation-d-acces-precoce-aux-medicaments-doctrine-d-evaluation-de-la-has
  • HAS. Bilan accès précoce 2021 à 2024. Octobre 2024. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3555537/fr/bilan-des-acces-precoces-aux-medicaments-288-decisions-en-trois-ans-infographie
  • Journal Officiel de la République Française (JOFR). LOI n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. Décembre 2020. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042665307
  • Sénat. Médicaments innovants : consolider le modèle français d'accès précoce. Rapport d'information n°569 (2017-2018). Juin 2018. https://www.senat.fr/rap/r17-569/r17-5693.html
 

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